Mercredi 10 avril 2024
L’enseignant Éric Allen du département de physique nous fait part avec émotions des sentiments que ses élèves du cours d’astrophysique et lui ont vécus lors de l’éclipse totale de lundi dernier.
J’ai souvent entendu que l’on ne pouvait pas décrire adéquatement ce que l’on ressentait pendant une éclipse totale. Loin de moi la prétention de le faire ici, même si je viens de vivre ma première totalité et que j’en suis profondément affecté. Mais j’aimerais tout de même raconter un petit peu ce que mes élèves, mon fils et moi avons vécu ce fameux lundi 8 avril quand la Lune nous a volé le Soleil durant quelques minutes.
Nous nous étions donné comme point de rendez-vous le terrain de soccer de la Municipalité de Cookshire-Eaton, que je ne connaissais pas avant de chercher un endroit propice pour y amener le groupe d’astrophysique. Nous voulions être le plus près possible du centre de la zone de totalité pour en maximiser la durée, mais nous préférions éviter les grands rassemblements prévus dans des villes comme Sherbrooke ou Lac-Mégantic. C’est Cookshire-Eaton, avec son joli nom qui chatouille la langue, qui nous a séduit pour cette aventure.
Notre poste d’observation fut établi en plein centre du terrain, et nous avons été les seuls à y être, mis à part une charmante petite famille d’Ottawa, pendant tout l’après-midi. Quelques élèves en ont profité pour jouer au frisbee, se lancer un ballon de football, et même faire des parties de spikeball, tout en admirant de temps en temps la progression de l’éclipse avec les lunettes appropriées.
Puis, une quinzaine de minutes avant la totalité, le ton bon enfant a changé. L’éclairage commençait à changer vraiment d’intensité et la perception des couleurs semblait modifiée. Des exclamations joyeuses devant cette sensation d’être en plein jour et au coucher du Soleil en même temps me confirmaient qu’il fallait vivre ce moment en personne plutôt que sur un écran.
Comme pour essayer de nous annoncer que le clou du spectacle arrivait, la Nature nous a permis de voir des bandes d’ombres ondulantes se déplaçant rapidement sur le sol en s’éloignant du Soleil. Ce phénomène est rarement remarqué pendant les éclipses, mais mes élèves étaient heureusement à l’affut.
Mais rien ne peut remplacer les minutes de totalité ; si attendues et pourtant si cruellement brèves. Pourquoi un si beau spectacle ne peut-il être vécu par tout le monde ? Voir arriver l’ombre de la Lune sur le ciel qui se colore d’un bleu de plus en plus profond, ressentir l’absence de la chaleur source de vie de notre étoile mère, apercevoir Vénus et Jupiter, deux diamants brillants qui entourent comme des gardiens l’étreinte céleste devant nous, scellée par un anneau de mariage d’un blanc éclatant ; comment ne pas en être affecté ? Comment ne pas se sentir tous petits devant l’Univers ? Plusieurs élèves s’exclamaient que c’était la plus belle chose qu’ils et elles avaient vue de leur vie, et je suis tellement d’accord ! D’autres disaient comprendre les Anciens qui étaient effrayés devant ce phénomène si rare et si étrange. Heureusement, nous n’avons pas eu à faire comme certains d’entre eux des sacrifices humains pour retrouver le Soleil !
Puis, trois trop courtes minutes 27 secondes plus tard, c’est comme si l’on remontait le temps, les étapes de l’éclipse se répètent à l’envers et le jour revient malgré tout, malgré notre envie que ça dure encore un peu. Quelques élèves parlaient déjà de voyager pour observer la prochaine éclipse totale et n’en revenaient tout simplement pas de ce que l’on venait de voir. J’ai même entendu un ‘’Attend un peu que je <<process>> ce que je viens de vivre’’. Le vieux prof que je suis souriait silencieusement de bonheur et avait les yeux humides en entendant leurs réactions : Mission accomplie !
Quelle occasion pour moi dans le cadre d’un cours d’astrophysique de pouvoir amener mes élèves à vivre un tel moment, une éclipse parfaite, dans un site sans nuages ! Puisqu’une caméra Insta360 avait été installée pour filmer le tout, le groupe pourra d’une certaine façon revivre cette journée hors de l’ordinaire avec un casque VR.
Je tiens à remercier sincèrement mes élèves et mon fils de m’avoir suivi dans cette folie et d’avoir rendu le moment encore plus mémorable. Un merci spécial aussi à Jonathan Hilairet qui m’a conçu et imprimé un adaptateur essentiel pour le trépied utilisé pour la photographie. C’est où et quand la prochaine éclipse déjà ?