- - -

Mercredi 8 mars 2017

Un texte de Sarah Gardner, finissante en Théâtre et créations médias, qui nous raconte son expérience aux 28es rencontres théâtrales de Lyon.

« Cela commence gravement, mais en douceur. »1

L’avion décolle du sol québécois dans la pluie du soir. Un long vol commence dans la fatigue de l’émerveillement. À mes côtés, des expertes en voyage et amies me conseillent sur ce qu’il y a à savoir. Entre deux films et les petits soins des hôtesses de l’air, nous tuons le temps alors que l’oiseau qui nous porte suit sa trajectoire jusqu’au matin. L’arrivée sur le sol européen se fait dans le mystère du brouillard, nous sortons des nues pour être dans les nuages. Nous sommes tous endormis et alors que nous venons d’arriver, plusieurs pensent à leur lit. Nous retournons dans un autre oiseau qui s’avère être le petit frère du premier. Un vol plus court auquel j’échappe grâce au sommeil. Le pilote me sort du rêve avec l’annonce de l’atterrissage. Nous sommes à Lyon.

Par les hublots, la campagne. Je me sens chez moi.

L’accueil se fait rapidement, mon opinion sur les Français s’amorce : ils semblent plus nerveux que moi. En un clignement d’yeux fatigués, nous sommes à l’ENTPE, l’École nationale des travaux publics de l’État, à Vaulx-en-Velin, à écouter l’organisation des 28es Rencontres théâtrales et l’instant d’après, dans l’appartement dans lequel mes amies et moi serons entassées pour les dix jours à venir. Nous disposons d’une paire de clés avec un seul émetteur sans lequel nous ne pouvons entrer dans le bloc de logements. Ma seconde impression des Français? Ils pensent sécurité tandis que nous, comme il s’est révélé vrai durant la semaine, y voyons déjà le côté plus compliqué de la chose. Nos « parents » (Yves Raymond et Diane-Andrée Bouchard, nos profs accompagnateurs) nous font sortir le soir même après nous avoir laissé dormir un peu. Mélange de bus et de métro. Habillée à l’excès, je m’ennuie du froid habituel. Diane avait raison, je ne regrette pas ma tuque.

Lyon, c’est des bâtiments sublimes et des cathédrales partout. Mes yeux dévorent le paysage avec gourmandise, mes jambes en demandent plus alors que mes pieds foulent un sol empreint d’histoire. Nous arrivons sur le site d’un théâtre romain. Celui de Lugdunum. Il ressemble à ceux montrés dans nos cours d’Histoire et exploration théâtrale. Mon cœur se fait léger, je me sens comme une enfant le jour de Noël. Mes amis et moi allons sur la scène, fébriles et espiègles. C’est le crépuscule. Sous les directives d’Yves, notre metteur en scène, nous répétons le chœur qui ouvrira notre spectacle intitulé Rêve d’une nuit d’hôpital, présenté le lendemain soir au festival. L’acoustique est formidable. Les touristes se tournent vers nous, nos voix résonnent à travers les pierres plusieurs fois centenaires. C’est l’extase, notre public applaudit. Nous terminons la visite des lieux pour nous diriger vers la Basilique Fourvière avec sa vue imprenable sur Lyon. La ville brille de mille feux. Rien n’est comparable. La vue du Rockefeller Center n’arrive pas à la cheville de la poésie qui émane de cette ville. C’est l’harmonie.  « Ma pensée est couleur de lumière lointaine »2, dirait Émile…

L’ouverture du Festival, nous l’avons fracassée avec Nelligan. Notre pièce de Normand Chaurette était parfaitement dans le thème des 28es Rencontres théâtrales : le rêve. Puis, le soulagement de la représentation passée (cette représentation tant attendue, tant répétée), la semaine passa rapidement. Les diners à la cafétéria, les excursions en après-midi puis le festival de théâtre en soirée… On se sent toujours plus proche de Dieu sous la voûte céleste d’une cathédrale de la Renaissance. Les visites s’enchainent : les musées des Confluences, des Beaux-Arts, L’institut des Frères Lumière, le Musée des miniatures et du cinéma, le Musée gallo-romain… Un programme parfaitement coordonné avec un peu de temps libre en fin d’après-midi. Les Lyonnais nous reconnaissent par l’accent. Ma troisième impression? Des gens sympathiques, fiers de leur ville et heureux de nous parler. Lors des cinq soirées du festival, je me plais à voir la dizaine de spectacles et je réalise qu’au fond, nous sommes tous des artistes dans la salle avec un message, une joie de vivre. Cette proximité nous a permis de tisser des liens mémorables avec des inconnus.

Une semaine légère avec un vent de printemps, la verdure de leur hiver. Les appels de station de métro, les crêpes dans les ruelles, la boutique de produits naturels du Vieux Lyon dont je suis tombée amoureuse; les traboules, les pavés de roche, la barbe à papa, la grande roue, les toilettes royales du Café des Négociants, les sourires des Français, leurs sacres québécois maladroits bref Lyon, son histoire! Je reviens au Québec la tête folle et le cœur rempli. J’ai fait la connaissance de gens formidables provenant du Maroc, du Bénin, d’Ukraine, de Roumanie et de France. J’ai vu des choses magnifiques et des spectacles de toute beauté. Je reviens au Québec le cœur gros, dans la neige, nostalgique de la France, mais heureuse d’être rentrée à la maison.

 

1 Émile Nelligan in Normand CHAURETTE, Rêve d’une nuit d’hôpital, LEMÉAC ÉDITEUR, 1980.

2 Émile Nelligan in Normand CHAURETTE, Rêve d’une nuit d’hôpital, LEMÉAC ÉDITEUR, 1980.

 



<